“Napoléon avait quinze ans lorsqu’un soir d’octobre 1784, après cinq années de dur internat à Brienne, Nogent-sur-Seine fut sa première étape vers la Capitale (…).
Les nouveaux Cadets allaient prendre le lendemain le coche d’eau, moins coûteux que la diligence, qui partait de Nogent tous les mercredis à 7 heures du matin pour arriver au port Saint-Paul à Paris, le jeudi soir. (…)
Les deux séjours que fit l’Empereur à Nogent en 1814 sont localisés avec certitude ; du 7 au 9 février et du 20 au 22, il demeura (…) au 20 Grande Rue Saint-Laurent, en face de l’Eglise et il y vécut des heures poignantes, les unes tragiques et angoissantes d’abord, les autres géniales et lumineuses ensuite.
C’est à Nogent en effet que Napoléon apprit qu’au Congrès de Châtillon, les alliés refusaient de laisser à la France même ses frontières naturelles et à Nogent encore, qu’il reçut confirmation de la trahison de Murat; mais c’est à Nogent également, derrière ces murs de la rue Saint-Laurent, qu’il conçut une de ses dernières et plus belles manœuvres (…) et quelques jours plus tard, les victoires de Champaubert et de Montmirail seraient le fruit des méditations nogentaises de Napoléon.”
Madeleine Tartary - Sur les traces de Napoléon - 1955 - Ed. J. Peyronnet & Cie
La Campagne de France conduit à deux reprises Napoléon à Nogent. Peu de grandes demeures étaient restées intactes après le pilonnage de la ville par les bombes incendiaires ennemies. L’Empereur descendit donc dans une habitation qui n’avait pas souffert. Entre les deux séjours de Napoléon, le Tsar Alexandre 1er logea à son tour cinq nuits dans cette maison, ce qui lui valut sans doute de n’être ni saccagée ni brûlée par les cosaques, comme tant d’autres sous l’occupation russe.
Accueilli dans une maisonnée acquise à l’Empereur
Louis Joseph Antoine Robin, conventionnel montagnard, ami de Danton, avait acheté la maison en 1795. Louis Joseph Antoine Robin devint maire de Nogent en 1798. C’est à ce titre qu’il hébergea dans sa demeure Eugène de Beauharnais, jeune officier commandant la garde consulaire, de retour d’Italie en juin 1800. Ayant appris qu’une femme avait mis au monde son enfant en plein marché, Eugène de Beauharnais sollicita l’honneur d’être son parrain et choisît comme marraine Paule Françoise Robin, la fille de son hôte, alors âgée de 13 ans. Le nouveau-né reçut comme prénom Marengo. En 1804, une plaque de cheminée célébrant le sacre de Napoléon fut installée dans l’un des âtres du 20 Grande-Rue où elle se trouve encore. En 1814, la maison appartient à un ami de Robin, Charles Bertin marchand de grain originaire de Sézanne, lorsqu’elle est réquisitionnée. Le gendre et la fille aînée de Louis Robin, Paul-Vincent et Paule Françoise Tiphaine participèrent activement à l’organisation de la résistance héroïque des nogentais.
L’intérieur du 20 Gde-Rue St-Laurent a gardé son aspect de 1814.
La façade, remaniée en 1887, a perdu ses caractéristiques architecturales originelles. A l’intérieur, par contre, la maison a peu changée depuis la Révolution. Le premier étage d’habitation n’a pas été touché, spécialement les pièces sur rue qui sont restées telles que lors des deux séjours de l’Empereur. Citons encore Madeleine Tartary : “ La maison (…) est toujours là, n’ayant manifestement pas changée; un escalier de bois à large rampe monte à un étage composé de deux vastes pièces, chacune avec alcôve et cabinet de toilette, séparées par une antichambre; cinq grandes fenêtres ouvrent sur la rue, face à la Tour Saint-Laurent.”
Après la restauration entreprise par M. et Mme Marck, ces pièces ont gardées leur distribution, leur cinq hautes fenêtres, les miroirs, trumeaux et cheminées du XVIIIe, les boiseries du Directoire.
Une étape légitime sur les traces de Napoléon en Champagne
Nogent-sur-Seine s’inscrit naturellement comme étape sur un circuit du souvenir qui mêle les lieux de la jeunesse de Bonaparte et ceux du Crépuscule de l’Empire: Brienne-le-Château, La Rothière, Montmirail, Champaubert et Pont-sur-Seine où résidait régulièrement Lætitia Bonaparte. C’est dans cet esprit que Madeleine Tartary fit mettre, au dessus du grand porche, une plaque commémorative en 1938.
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Le film
Un accueil privilégié pour les passionnés
Les deux appartements sur rue, constituant en 1814 le quartier général nogentais de la Campagne de France seront tout naturellement réservés à ceux qui voudraient mettre leurs pas dans ceux de Napoléon.